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Conflit d’intérêts dans la commande publique

Conflit d’intérêts - Article L2141-10 du Code de la commande publique

La notion de conflit d’intérêt dans les procédures de passation des contrats publics est importante pour garantir l’impartialité et l’intégrité des décisions. Les articles L. 2141-10 et L. 3123-10 du Code de la commande publique posent le cadre juridique permettant d’exclure un candidat en situation de conflit d’intérêt. Cet article examine comment ces dispositions sont appliquées et interprétées, ainsi que les implications pour les acheteurs publics et les candidats.

Définition et cadre juridique

Un conflit d’intérêt survient lorsqu’une personne impliquée dans la procédure de passation ou susceptible d’influencer son issue a un intérêt personnel, financier ou économique pouvant compromettre son impartialité ou indépendance. Les articles L. 2141-10 et L. 3123-10 stipulent que l’acheteur public ou l’autorité concédante peut exclure un candidat créant une telle situation, sauf si des mesures correctives peuvent être prises.

En droit européen, l’article 24 de la Directive 2014/24/UE impose des obligations similaires pour prévenir les conflits d’intérêts. La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) souligne que les autorités doivent vérifier et remédier à ces situations sans exiger du plaignant de prouver concrètement la partialité.

Conflit d’intérêts au sens du code de la commande publique

Constitue une situation de conflit d’intérêts toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché ou est susceptible d’en influencer l’issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché.

(Source : article L2141-10 du Code de la commande publique)

Le conflit d'intérêt fait partie des exclusions à l'appréciation de l'acheteur.

Conflit d’intérêts au sens de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014

La notion de conflit d’intérêts vise au moins toute situation dans laquelle des membres du personnel du pouvoir adjudicateur ou d’un prestataire de services de passation de marché agissant au nom du pouvoir adjudicateur qui participent au déroulement de la procédure ou sont susceptibles d’en influencer l’issue ont, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou un autre intérêt personnel qui pourrait être perçu comme compromettant leur impartialité ou leur indépendance dans le cadre de la procédure de passation de marché.

(Source : Art. 24 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014)

Conflit d'intérêts au sens de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique

L'article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 définit le conflit d'intérêts comme suit "Au sens de la présente loi, constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction".

(Source : Article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique)

Critères d’identification d’un conflit d’intérêt

Les deux conditions principales pour caractériser un conflit d’intérêt sont :

Participation à la procédure

Une personne ayant un intérêt à l’issue de la procédure doit être en mesure d’influencer cette dernière.

Nature et intensité des liens

Les relations directes ou indirectes avec une des parties, qu’elles soient actuelles ou passées, doivent être suffisamment significatives pour soulever un doute légitime.

Les liens professionnels, économiques ou familiaux peuvent constituer un conflit d’intérêt s’ils sont d’une certaine intensité. Les décisions antérieures du Conseil d’État, telles que celles impliquant des liens financiers ou professionnels, illustrent ces critères.

Jurisprudence relative aux conflits d’intérêts

La jurisprudence offre plusieurs exemples de la manière dont les conflits d’intérêts sont évalués et traités :

Un AMO ayant rédigé le cahier des charges et analysé les offres était un ancien salarié de la société attributaire. Le Conseil d’État a rappelé que la région aurait dû prendre des mesures pour lever le doute légitime (CE, 14 octobre 2015, n° 391105, Société Applicam et région Nord Pas-de-Calais).

Le principe d'impartialité, principe général du droit, s'impose au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative. Sa méconnaissance est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
Une personne a participé à la procédure d'adjudication d'un marché dans des conditions lui permettant d'influencer l'issue de la procédure litigieuse (contribution à la rédaction du cahier des clauses techniques particulières et à l'analyse des offres des candidats), alors qu'elle avait exercé des responsabilités importantes au sein de l'entreprise attributaire, jusqu'à moins de deux ans avant le lancement de cette procédure. Même si cette personne ne détient plus d'intérêts dans l'entreprise attributaire du marché, le caractère très récent de leur collaboration, à un haut niveau de responsabilité, pouvait légitimement faire naître un doute sur la persistance de tels intérêts et par voie de conséquence sur l'impartialité de la procédure suivie par le pouvoir adjudicateur. Par suite, le pouvoir adjudicateur a méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

Une personne ayant travaillé au début de la mission d’AMO, mais ayant cessé ses fonctions avant l’élaboration des pièces du DCE, n’était pas considérée comme ayant influencé la procédure (CE 12 septembre 2018, n° 420454, Société Sépur).

Le Conseil d’État a jugé que le doute sur l’impartialité suffit pour caractériser un conflit d’intérêt, sans vérifier l’intention de favoriser un candidat  (CE, 2021, 25 novembre 2021, n° 454466, Collectivité de Corse).

Au nombre des principes généraux du droit qui s'imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d'impartialité. Ce principe implique l'absence de situation de conflit d'intérêts au cours de la procédure de sélection du titulaire du contrat. L'existence d'une situation de conflit d'intérêts au cours de la procédure d'attribution du marché, telle que définie à l'Article L2141-10 du code de la commande publique (CCP), est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible d'entacher la validité du contrat. Eu égard à sa nature, la méconnaissance du principe d'impartialité est par elle-même constitutive d'un vice d'une particulière gravité justifiant l'annulation du contrat, sans qu'il soit besoin de relever une intention de la part du pouvoir adjudicateur de favoriser un candidat.

Ces cas montrent que l’appréciation de l’influence exercée est essentielle. L’influence sur la rédaction des documents de consultation présente moins de risques que la participation à l’évaluation des offres.

Prévention et mesures correctives

La prévention des conflits d’intérêts est primordiale et incombe en premier lieu à l’acheteur public.

Il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter ces situations, notamment en écartant les personnes potentiellement en conflit d’intérêt des étapes importantes de la procédure.

La mise en œuvre d’une procédure contradictoire, permettant au candidat de présenter ses observations, est également obligatoire avant toute décision d’exclusion.

Dans le cas où les mesures de prévention sont insuffisantes, l’exclusion d’un candidat demeure une sanction ultime, appliquée en dernier recours. Cette approche préserve les principes fondamentaux de transparence, d’égalité de traitement et de liberté d’accès inscrits à l’article L3 du Code de la commande publique.

Conclusion

Les règles sur les conflits d’intérêts dans la commande publique sont conçues pour maintenir l’intégrité et l’impartialité des procédures de passation. Les acheteurs publics doivent faire preuve de vigilance et mettre en place des mécanismes efficaces pour prévenir et remédier à ces situations.

La jurisprudence offre des lignes directrices précieuses, soulignant l’importance de la prévention et de la gestion proactive des conflits d’intérêts.