Pouvoirs adjudicateurs du code de la commande publique
En tant qu'entreprise lorsque vous répondez à un marché public vous rencontrez souvent la notion de pouvoir adjudicateur. Mais au fait qu'est ce qu'un pouvoir adjudicateur ? Le code de la commande publique en définit les contours comme suit.
Pouvoirs adjudicateurs selon le code de la commande publique
Les pouvoirs adjudicateurs sont :
1° Les personnes morales de droit public ;
2° Les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, dont :
a) Soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ;
b) Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ;
c) Soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur ;
3° Les organismes de droit privé dotés de la personnalité juridique constitués par des pouvoirs adjudicateurs en vue de réaliser certaines activités en commun.
(Source : Article L. 1211-1 du code de la commande publique)
Introduction
Le pouvoir adjudicateur est l'acteur principal du droit de la commande publique français. Il s'agit de l'entité qui passe les marchés publics et accorde les concessions.
La notion de pouvoir adjudicateur est définie à l'article L.1211-1 du code de la commande publique. Elle recouvre trois grandes catégories d'acteurs :
- Les personnes morales de droit public (l'État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics, etc.)
- Les personnes morales de droit privé qui satisfont à certains critères
- Les organismes de droit privé créés par des pouvoirs adjudicateurs
Cet article vise à préciser la notion de pouvoir adjudicateur et les critères permettant de déterminer si une entité relève ou non de cette catégorie. Nous verrons successivement :
- Les pouvoirs adjudicateurs personnes morales de droit public
- Les pouvoirs adjudicateurs personnes morales de droit privé
- Les organismes de droit privé constitués par des pouvoirs adjudicateurs
- Les autres personnes privées
1. Les pouvoirs adjudicateurs personnes morales de droit public
Les personnes morales de droit public qui sont considérées comme des pouvoirs adjudicateurs sont notamment :
L'État et ses établissements publics à caractère administratif ou commercial/industriel
Les collectivités territoriales (communes, départements, régions) et leurs établissements publics
Certains établissements publics nationaux à caractère culturel, scientifique ou professionnel
Les établissements publics de santé
Les établissements consulaires (chambres de commerce, chambres des métiers, chambres d'agriculture)
Les groupements d'intérêt public (GIP)
L'appartenance au secteur public implique automatiquement la qualité de pouvoir adjudicateur, sans qu'il soit nécessaire de remplir d'autres conditions.
1.1 L'État et ses établissements publics
L'État lui-même, en tant que personne morale de droit public, est un pouvoir adjudicateur. Ses différentes composantes (services centraux, déconcentrés, autorités administratives indépendantes, etc.) sont considérées comme des unités opérationnelles distinctes, bien qu'elles ne disposent pas de la personnalité juridique.
Les établissements publics de l'État, qu'ils soient à caractère administratif ou industriel/commercial, sont également des pouvoirs adjudicateurs. Parmi les EPA, on peut citer :
- Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) comme les universités ou grandes écoles
- Les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) comme le CNRS, l'Inria, etc.
- Les établissements publics de santé (EPS)
1.2 Les collectivités territoriales et leurs établissements
Les collectivités territoriales (communes, départements, régions) ainsi que leurs établissements publics, qu'ils soient à caractère administratif ou industriel/commercial, sont des pouvoirs adjudicateurs.
Sont notamment concernés les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les centres communaux d'action sociale (CCAS) et les établissements publics locaux d'enseignement (collèges, lycées).
Les communes ayant fusionné au sein d'une commune nouvelle perdent leur personnalité juridique et ne sont plus considérées comme des pouvoirs adjudicateurs distincts.
1.3 L'outre-mer
Les collectivités d'outre-mer régies par le principe d'identité législative (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte) ainsi que celles sous le régime de l'article 74 de la Constitution (Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon) sont des pouvoirs adjudicateurs soumis au code de la commande publique.
En revanche, les collectivités d'outre-mer régies par le principe de spécialité législative (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna) fixent leurs propres règles en matière de commande publique. Seuls l'État et ses établissements publics locaux y sont soumis au code.
2. Les pouvoirs adjudicateurs personnes morales de droit privé
Certains organismes de droit privé peuvent aussi être qualifiés de pouvoirs adjudicateurs s'ils remplissent 3 conditions cumulatives prévues à l'article L.1211-1 du code de la commande publique:
- Être chargé spécifiquement de satisfaire un intérêt général autre qu'industriel et commercial
- Être contrôlé par un pouvoir adjudicateur
- Être financé majoritairement par des fonds publics
Il s'agit d'une analyse au cas par cas. Le statut privé ou public au sens du droit interne n'est pas déterminant.
2.1 L'objet social d'intérêt général autre qu'industriel et commercial
L'intérêt général s'apprécie de manière objective, sur la base de l'activité réellement exercée. Il n'est pas nécessaire qu'elle constitue l'objet exclusif de l'organisme.
L'activité ne doit pas être de nature industrielle/commerciale, ce qui s'apprécie en fonction de différents indices : conditions d'exercice, but lucratif ou non, prise en charge des pertes...
2.2 Le lien avec un pouvoir adjudicateur
Ce critère traduit une dépendance de l'organisme vis-à-vis d'un acheteur public. Il est rempli si:
L'activité est financée majoritairement par des fonds publics
La gestion est soumise à un contrôle actif d'un pouvoir adjudicateur
L'organe d'administration est composé majoritairement de membres publics
2.3 Les exemples jurisprudentiels
La jurisprudence a pu reconnaître comme pouvoirs adjudicateurs des organismes divers tels que des sociétés de radiodiffusion, des organisateurs de foires et salons ou des sociétés de pompes funèbres.
A contrario, elle a jugé qu'un ordre professionnel financé par des cotisations obligatoires ou qu'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), bien que rattaché à un établissement public, ne remplissaient pas les critères.
3. Les organismes de droit privé constitués par des pouvoirs adjudicateurs
En vertu de l'article L.1211-1 du code de la commande publique, sont également des pouvoirs adjudicateurs les organismes de droit privé créés par un ou plusieurs acheteurs publics pour réaliser certaines activités en commun.
Il peut s'agir :
- D'associations entre plusieurs personnes publiques
- De sociétés publiques locales (SPL) régies par le code général des collectivités territoriales
- De sociétés d'économie mixte (SEM) lorsqu'elles sont contrôlées par des personnes publiques
Dès lors qu'elles satisfont un besoin d'intérêt général autre qu'industriel et commercial, ces structures sont soumises aux règles de la commande publique.
4. Les autres personnes privées
En principe, les personnes privées ne sont pas soumises au code de la commande publique, sauf si :
- Elles agissent en tant que mandataire d'un pouvoir adjudicateur
- Elles participent à un groupement de commandes avec des acheteurs publics
L'association est considérée comme transparente par rapport à ses membres publics
Certaines règles spécifiques s'appliquent également aux personnes privées percevant plus de 50% de subventions publiques pour certains contrats.
Jurisprudence - Sources juridiques
CJUE 5 octobre 2017, "LitSpecMet" UAB, aff. C-567-15 (Dans cet arrêt, la CJUE a statué qu'une société anonyme lituanienne, LitSpecMet UAB, pouvait être qualifiée de pouvoir adjudicateur, même si elle exerçait des activités commerciales sur le marché libre. La Cour a fondé sa décision sur plusieurs facteurs, notamment : 1/ La détention exclusive de la société par un pouvoir adjudicateur public. 2/ Le fait que la société réalisait des missions d'intérêt général pour le compte de ce pouvoir adjudicateur. 3/ Le fait que les activités de la société étaient nécessaires à l'accomplissement des missions d'intérêt général du pouvoir adjudicateur. 4/ Le fait que la société, dans l'exercice de ses activités, se laissait guider par des considérations autres qu'économiques. Ainsi plusieurs éléments doivent être pris en compte pour déterminer si une entité peut être qualifiée de pouvoir adjudicateur.
CJUE 12 décembre 2013, Portgás c/ Ministério da Agricultura, aff. C-425/12 (Cet arrêt concernait une société espagnole, Portgás, qui fournissait du gaz naturel. La Cour a jugé que Portgás ne pouvait pas être considérée comme un pouvoir adjudicateur, car elle n'était pas contrôlée par l'État et ne poursuivait pas des objectifs d'intérêt général. La Cour a souligné que la simple présence d'une participation publique dans le capital d'une société ne suffit pas à la qualifier de pouvoir adjudicateur).
CJUE 12 septembre 2013, IVD GmbH & Co. KG c/ Artzekammer Westfalen-Lippe, aff. C-526/11 (Dans cette affaire, la Cour a examiné le statut d'une chambre professionnelle allemande, Artzekammer Westfalen-Lippe. La Cour a conclu que la chambre ne pouvait pas être qualifiée de pouvoir adjudicateur, car elle n'était pas financée majoritairement par des fonds publics et n'était pas soumise à un contrôle étroit de l'État. La Cour a relevé que la chambre était financée principalement par des cotisations de ses membres et que son activité était essentiellement auto-régulatrice).
CJCE 10 mai 2001, Agora SRL et Excelsior SNC c/ Entre Autonomo Internazionale di Milano, aff. C-223/99 (Cet arrêt concernait une société italienne, Agora SRL, qui organisait des foires commerciales. La Cour a jugé qu'Agora SRL ne pouvait pas être considérée comme un pouvoir adjudicateur, car elle n'exerçait pas ses activités dans le cadre d'une mission d'intérêt général et n'était pas soumise à un contrôle étroit de l'État. La Cour a souligné que le fait qu'Agora SRL ait reçu des subventions publiques ne suffisait pas à la qualifier de pouvoir adjudicateur).
CJCE 1er février 2001, SA d'HLM, aff. C-237/99 (Dans cette affaire, la Cour a examiné le statut d'une société anonyme d'habitations à loyer modéré (SA d'HLM) française. La Cour a conclu que la SA d'HLM pouvait être qualifiée de pouvoir adjudicateur, car elle exerçait ses activités dans le cadre d'une mission d'intérêt général et était soumise à un contrôle étroit de l'État. La Cour a relevé que la SA d'HLM bénéficiait d'avantages financiers importants de la part de l'État et que ses activités étaient étroitement réglementées par l'État).
CE, 10 avril 2015, n° 387128, Chambre de commerce et d’industrie
territoriale d’Ajaccio et de Corse du Sud (Une chambre de commerce
et d'industrie, établissement public administratif ayant la qualité
de pouvoir adjudicateur en vertu du 1° de l'article 2 du code des
marchés publics, a, en vertu de l'article 134 du même code, la
qualité d'entité adjudicatrice lorsqu'elle passe un marché en
rapport avec l'activité d'organisation et de mise à disposition des
transporteurs aériens d'un aéroport qui lui a été concédée (4° de
l'article 135 du code des marchés publics). Les parcs de
stationnement pour véhicules situés dans l'aire d'un aéroport, qui
sont ouverts tant aux personnels des entreprises de transport aérien
qu'à leurs passagers, constituent un équipement nécessaire au bon
fonctionnement de l'aéroport auquel ils s'intègrent. Par suite, la
fourniture et l'installation de matériels pour ces parcs de
stationnement doivent être regardées comme une activité exercée par
une entité adjudicatrice et le juge du référé précontractuel statue
sur le fondement des dispositions des articles L. 551-5 à 7 du même
code, qui ne lui permettent pas d'annuler la procédure de passation
d'un marché, et non sur le fondement des dispositions des articles
L. 551-1 à 4 du code de justice administrative.
Dans cet arrêt, le Conseil d'État a statué qu'une chambre de
commerce et d'industrie (CCI) ne pouvait pas être qualifiée de
pouvoir adjudicateur pour un marché de gestion des parkings de
l'aéroport d'Ajaccio. La Cour a fondé sa décision sur plusieurs
facteurs, notamment : 1/ La nature du service rendu: Le service de
gestion des parkings ne relevait pas du transport aérien au sens de
l'article 135 du Code des marchés publics, qui exclut les services
rendus aux usagers des aéroports de la qualification de pouvoir
adjudicateur. 2/ Le financement du service: Le service était financé
par les recettes des parkings eux-mêmes et non par des fonds
publics. Le contrôle de l'État: L'État n'exerçait pas un contrôle
étroit sur la gestion des parkings.
CE, 5 mars 2003, n° 233372, UNSPIC et autres (Dans cet arrêt, le Conseil d'État a statué que l'Union nationale des syndicats de pharmacies d'officine (UNSPIC) ne pouvait pas être qualifiée de pouvoir adjudicateur pour un marché de fourniture de logiciels. La Cour a fondé sa décision sur le fait que l'UNSPIC n'était pas une personne morale de droit public et n'exerçait pas de missions d'intérêt général).
CE, 19 octobre 2001, n° 217623, Assemblée des Chambres françaises de commerce et d’industrie (Le Conseil d'État a jugé dans cet arrêt que les chambres de commerce et d'industrie étaient soumises au Code des marchés publics. La Cour a relevé que les chambres exerçaient des missions d'intérêt général et bénéficiaient d'un financement public important).