CE, 25 juin 2024, n° 479982 - Validité de critères de fond et de forme dans les marchés publics
Le Conseil d'État confirme la légalité de critères de sélection distincts pour le contenu et la présentation des offres dans les marchés publics, tout en rappelant l'importance de leur précision et non-redondance. Sur le fond, on pouvait s'en douter, par contre sur la forme c'est nouveau. Un critère d'attribution "pertinence, complétude et clarté de l'offre au regard des attentes du maître d'ouvrage" est-il imprécis ?
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000049789481
Dans le cadre des marchés publics, les pouvoirs adjudicateurs peuvent définir des critères de sélection des offres portant distinctement sur le contenu (fond) et la présentation (forme) des propositions. Ces critères doivent être suffisamment précis, non redondants, et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. La pondération de ces critères relève de la liberté du pouvoir adjudicateur, sous réserve qu'elle ne confère pas une liberté de choix illimitée et garantisse une véritable concurrence.
En l'espèce, le pouvoir adjudicateur avait défini deux critères distincts :
- l'un portant sur "la pertinence, complétude et clarté de l'offre eu égard aux attentes du maître d'ouvrage" (30% de la note),
- l'autre sur "la complétude, personnalisation, clarté et soin du dossier du candidat, de sa note méthodologique et du calendrier prévisionnel" (5% de la note).
Le Conseil d'État a jugé que ces critères étaient suffisamment distincts et précis, le premier portant sur le contenu de l'offre et le second sur sa forme.
Analyse du Conseil d'État
Contexte juridique
Le Conseil d'État se prononce ici sur la légalité des critères de sélection des offres dans le cadre d'un marché public de maîtrise d'œuvre urbaine. Le cadre juridique applicable est défini par l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, notamment son article 52 qui dispose :
"I. - Le marché public est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché public ou à ses conditions d'exécution (...)
II. - Les critères d'attribution n'ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l'acheteur et garantissent la possibilité d'une véritable concurrence".
Le Conseil d'État rappelle que ces dispositions imposent au pouvoir adjudicateur de "déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse en se fondant sur des critères permettant d'apprécier la performance globale des offres au regard de ses besoins" (considérant 6).
Il précise également que ces critères doivent être "liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, être définis avec suffisamment de précision pour ne pas laisser une marge de choix indéterminée et ne pas créer de rupture d'égalité entre les candidats" (considérant 6).
Analyse des critères contestés
Dans le cas d'espèce, deux critères étaient contestés par les requérants :
1. Le troisième critère portant sur "la pertinence, complétude et clarté de l'offre eu égard aux attentes du maître d'ouvrage", représentant 30% de la note finale.
2. Le cinquième critère portant sur "la complétude, personnalisation, clarté et soin du dossier du candidat, de sa note méthodologique et du calendrier prévisionnel", représentant 5% de la note finale.
Les requérants estimaient que ces critères étaient redondants et imprécis, ce qui aurait pu conférer une liberté de choix excessive au pouvoir adjudicateur.
Raisonnement du Conseil d'État
Le Conseil d'État rejette cette argumentation en opérant une distinction claire entre les deux critères :
1. Le troisième critère est analysé comme portant sur "le contenu de l'offre", visant à apprécier "l'adéquation de l'offre au regard des attentes du maître d'ouvrage" (considérant 7).
2. Le cinquième critère est interprété comme se rapportant à "la forme" de l'offre, visant à "apprécier les efforts de personnalisation et le soin apporté à l'offre" (considérant 7).
Cette distinction permet au Conseil d'État de conclure que la Cour administrative d'appel de Lyon "n'a pas dénaturé les pièces du dossier en jugeant que ces deux critères ne présentaient pas de caractère redondant ou imprécis" (considérant 7).